La semaine dernière, je suis tombé par hasard sur la page youtube d’un professeur de peinture qui explique, dans l'une de ses vidéos, que peindre ses fonds avant de se lancer, avait, entre autres, l’avantage d’éviter le syndrome de la page blanche…
Ce qui m'a permis de remarquer qu'en ce qui concerne les 2 artistes que j’ai choisi de présenter ce-mois dans ma Newsletter, une toile vierge c’est en revanche un peu comme un tout nouveau départ. Ewa Hauton et Marion Cadet ont toutes deux fait le choix de travailler uniquement sur des toiles apprêtées et laissées blanches, immaculées, sans aucun fond de couleur. Le grand avantage d’un fond laissé blanc, c’est que l’utilisation d’une autre couleur viendra fortement trancher et contraster. Visuellement, l’amour du noir et blanc est universellement partagé, car il offre un contraste marqué, accentue les lignes et continue de stimuler l’imagination.

Ainsi, dans les œuvres d’Ewa Hauton, entre impulsion et maîtrise, l’encre noire devient un médium omnipotent. Le fond blanc sublime sa fluidité, sa ductilité et souligne la spontanéité du geste. Fragiles et émouvantes, s'achevant parfois en un mince tracé de gouttelettes, ces lignes noires s’affirment grâce à ce fond blanc, et accentuent le mouvement et le rythme de ces corps féminins, sensibles et élégants.
Le noir et blanc a ceci de touchant, c’est qu’avec peu, on fait beaucoup. En écartant le superflu des couleurs, le noir et blanc permet à Ewa Hauton de restituer avec une grande sensibilité et une délicatesse touchante, les mouvements du corps, ne gardant que l’essentiel : l'expression de la vie.

Pour Marion Cadet, un fond blanc tout aussi sacré, c’est un espace vierge où tout peut se refléter, d’où tout peut émerger. L’huile noire est son unique médium. Elle la travaille en touches larges, denses ou affleurantes. Sur fond blanc, chaque geste, chaque mouvement du pinceau va laisser sa trace d’une façon toute particulière. Chargé d’huile, le pinceau va marquer durement la toile par des aplats contrastants. A l’inverse, lorsque le pinceau effleure la toile, la griffant délicatement, le blanc va transparaitre à travers une touche d’huile moins opaque.

Dans des œuvres éclatantes de fraîcheur, Marion Cadet n’a de cesse de jongler avec ces effets de transparence et de lumière. En jouant sur l’opacité et l’application de l’huile, ses pinceaux se remettent en scène, sculptant l’ombre, absorbant et ralentissant la lumière, tandis qu’en contre-point, la blancheur de la toile, est toujours là, éclatante, prête à soutenir la cause. Le noir et blanc permet aussi à l'artiste d’opposer à la précision des détails, l’aspect brut lié à la technique employée et à la toile laissée telle quelle, entre l’impression de l’esquisse et le rendu quasi-photographique du sujet…

Chez Ewa Hauton et Marion Cadet, ces toiles blanches vont en tout cas permettre de faire vivre de manière sobre et élégante des tracés d’huile et des jets d’encre noires. Pour reprendre le peintre Robert Ryman, le blanc « permet à d’autres choses de devenir visibles ».